William Butler Yeats :
Le vent dans les roseaux
Mais tu sais je suis
pauvre, et mes rêves sont mes seuls biens
Sous tes pas, j'ai
déroulé mes rêves
Marche doucement ;
parce que tu marches sur mes rêves.
Enrico Malatesta :
Le gradualisme révolutionnaire
Errico Malatesta définit le concept de gradualisme
révolutionnaire dans un article publié, le 1er octobre 1925, par la revue
Pensiero e Volontà Selon lui : « L'anarchisme, doit être nécessairement
gradualiste. On peut concevoir l'anarchisme comme la perfection et c'est un
bien que cette conception reste toujours présente à notre esprit tel un phare
idéal qui guide nos pas. Mais il est évident que cet idéal ne peut être atteint
d'un seul bond, en passant d'un seul coup de l'enfer actuel au paradis rêvé. »
Pour Malatesta, le gradualisme révolutionnaire postule que
l'anarchie peut être réalisée par un processus cumulatif d'étapes additionnées.
Entre la réalité d'aujourd'hui et la réalisation de l'idéal, il existe une
démarche volontariste et constructive de progressivité : « il ne s'agit pas de
faire l'anarchie aujourd'hui, demain, ou dans dix siècles, mais d'avancer vers
l'anarchie aujourd'hui, demain, toujours. ».
Et il précise : « L'esclavage apprend aux hommes à être
serviles, et pour se libérer de l'esclavage, il faut des hommes aspirant à la
liberté ». Un système autoritaire ne devient pas libertaire du jour au
lendemain : la lutte est un processus d'apprentissage volontariste où
l'autonomie et la liberté se construisent par étapes, chacune d'entre elles
permettant la réalisation de la suivante et n'ayant pour seul but que
l'accomplissement de l'objectif final. Ainsi, « la possibilité du progrès
existe. Mais non pas la possibilité de porter, au moyen de la seule propagande,
tous les hommes au niveau nécessaire pour que nous puissions réaliser
l'anarchie, sans une transformation graduelle préalable du milieu ».
Ainsi, Malatesta préconise-t-il l'emploi de tous les moyens
répondant aux aspirations populaires immédiates en éliminant progressivement
l'influence de la hiérarchie et de l'autorité au sein de la société par « la
pratique de la liberté, privée de toutes coercitions ». Il rejette en cela,
l'idée d'un Grand Soir révolutionnaire qui amènerait aussitôt naturellement à
une société libertaire. Malatesta préconise également aux anarchistes de
s'associer à toutes les forces révolutionnaires, en ce qu'elles portent de
projet émancipateur, sans pour autant abdiquer leur autonomie.
Malatesta « définit une stratégie orientée vers la conquête
progressive (graduelle mais non nécessairement linéaire) par les mouvements
sociaux [...] d'espaces d'autonomie et de contre-pouvoir. Elle comporte deux
dimensions étroitement liées. L'une, démocratique, vise au maintien et à
l'élargissement des pouvoirs de la société civile face à l'État et, plus
généralement, aux instances de commandement, par l'apprentissage de
l'autogestion sociale à tous les niveaux de la société. L'autre, graduelle,
définit un cadre d'objectifs anticapitalistes. Sa mise en œuvre suppose
l'élaboration d'un programme de réformes contradictoires à la logique du
système, bien que réalisables en son sein. » Il affirme par là, « la
nécessité de l'autonomie du mouvement ouvrier, afin d'éviter toute avant-garde
éclairée, ou de futurs gouvernements « ouvriers ». »
Concret, Malatesta aborde cette méthode dans une situation
révolutionnaire : « Commençons par dire que la révolution, nous ne pouvons pas
la faire seuls et que, le pourrions-nous matériellement, il ne serait pas
désirable que nous la fassions seuls. […] il nous (faudra) donc agir de concert
avec toutes les forces de progrès existantes, avec tous les partis
d'avant-garde et attirer dans le mouvement, soulever, intéresser les grandes
masses, laissant la révolution, dont nous serions un facteur parmi d'autres,
produire ce qu'elle pourra produire […] Si malgré nos efforts, de nouveaux
pouvoirs prêts à faire obstacle à la volonté populaire et à imposer la leur
propre réussissaient à se constituer […] Dans tous les cas, réclamer et exiger,
même par la force, notre pleine autonomie et le droit et les moyens de nous
organiser à notre manière pour expérimenter nos méthodes. »
Réaliste et presque pragmatique, il pense qu' « Il ne faut
pas proposer de tout détruire en croyant qu’ensuite les choses s’arrangeront
d’elles-mêmes. [...] Intransigeants envers toute tyrannie et toute exploitation
capitaliste, nous devrons être tolérants pour toutes les conceptions sociales
qui prévalent dans les divers groupements humains, pourvu qu’ils ne lèsent pas
la liberté et le droit d’autrui. Nous devrons nous contenter d’avancer graduellement
à mesure que s’élève le niveau moral des hommes et que s’accroissent les moyens
matériels et intellectuels dont dispose l’humanité, tout en faisant, bien
entendu, tout ce que nous pouvons par l’étude, le travail et la propagande pour
hâter l’évolution vers un idéal toujours plus haut. »
George Orwell
1984
En causant avec elle Winston se rendit compte à quel point
il était facile de présenter l’apparence de l’orthodoxie sans avoir la moindre
notion de ce que signifiait l’orthodoxie. Dans un sens, c’est sur les gens
incapables de la comprendre que la vision du monde qu’avait le parti s’imposait
avec le plus de succès. On pouvait leur faire accepter les violations les plus
flagrantes de la réalité parce qu’ils ne saisissaient jamais entièrement
l’énormité de ce qui leur était demandé et n’étaient pas suffisamment
intéressés par les évènements publics pour remarquer ce qui se passait. Par
manque de compréhension, ils restaient sains. Ils avalaient simplement tout, et
ce qu’ils avalaient ne leur faisait aucun mal, car cela ne laissait en eux
aucun résidu, exactement comme un grain de blé, qui passe dans le corps d’un
oiseau sans être digéré.
Aldous Huxley
Le meilleur des mondes
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.
On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.
Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.
Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir. »
Louis Blanc
Blanc interroge le triptyque républicain Liberté, Égalité, Fraternité à la lumière de cet état de fait :
Comment parler de liberté chez celui qui est esclave de la
faim et de l’ignorance ? Où est l'Égalité lorsque le travail des uns fait
fructifier l'argent des autres ? Comment comprendre la Fraternité lorsque le
législateur fait des lois non pas pour protéger les plus faibles (dans le sens du
contrat social, c'est-à-dire afin de garantir la vie et pour lutter contre la
misère) mais bien au contraire pour garantir au plus fort une liberté dont il
est le seul à pouvoir jouir ?
Pierre Kropotkine
La Morale Anarchiste
Sois
fort ! Déborde
d’énergie passionnelle et intellectuelle – et tu déverseras sur les autres ton
intelligence, ton amour, ta force d’action !
– Voilà à
quoi se réduit tout l’enseignement moral, dépouillé des hypocrisies de
l’ascétisme oriental
Martin Niemöller
Quand ils sont venus me chercher...
« Quand les nazis sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas communiste.
Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus me chercher,
il ne restait plus personne
pour protester. »
je n’ai rien dit,
je n’étais pas communiste.
Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus me chercher,
il ne restait plus personne
pour protester. »
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