mardi 31 juillet 2018

La dictature du Bip



* Bip * J'éteins le reveil je me lève j'enfile mon fut et vais me faire un petit dèj.
* Bip * J'ouvre le micro onde je prend mon petit dèj et jvais à la salle de bain.
* Bip * Je change la pile de ma brosse à dent et jvais au garage.
* Bip * J'ouvre la porte du garage et j'embarque dans ma caisse.
* Bip * Je démarre et je met la ceinture, faudra aussi que je vérifie la pression des pneus.
* Bip * Jpasse au péage avec mon télépéage.
* Bip * Arrivé sur le parking j'éteins les phares et vais au portail de l'usine
* Bip * Jprésente ma carte et passe le portail de sécurité.
* Bip * Je pointe mon temps sur la pointeuse.
* Bip * Je démarre ma machine.


* Bip * C'est l'heure de la pause, je sors m'en griller une.
* Bip * Mon café est prêt.
* Bip * Jreçois un sms.
* Bip * La pause est finie c'est reparti...
* Bip * Je démarre ma machine.
* Bip * heure du repas jvais à la cantine.
* Bip * Jprésente ma carte à la cantine.
* Bip * Jfais chauffer mon plat.
* Bip * Mon café est prêt.
* Bip * La pause est finie c'est reparti...
* Bip * Je démarre ma machine.
* Bip * C'est l'heure de la pause, je sors m'en griller une.
* Bip * Mon café est prêt.
* Bip * Jreçois un sms.
* Bip * La pause est finie c'est reparti...
* Bip * Je démarre ma machine.
* Bip * Fin de la journée je vais dépointer.
* Bip * Je pointe mon temps sur la pointeuse.
* Bip * Jreçois un sms.
* Bip * Je démarre la voiture jsuis en réserve.
* Bip * Je démarre et je met la ceinture, toujours cette foutue pression des pneus à vérifier !
* Bip * Jpasse au péage avec mon télépéage et vais à la station.
* Bip * Jtape mon code de CB.
* Bip * J'ai fini mon plein, jvais acheter le pain.
* Bip * Jtape mon code de CB.
* Bip * Je démarre et je met la ceinture et je rentre chez moi, va te faire avec tes pneus.
* Bip * J'ouvre le garage.
* Bip * Je rentre en marche arrière.
* Bip * Jfais chauffer mon plat dans le micro onde.
* Bip * Jreçois un sms.
* Bip * Je lance le lave vaisselle et vais me caler devant la télé.
* Bip * Le lave vaisselle est fini, jvais me coucher.
* Bip * Jcommence à dormir mais jreçois un sms...

J'ai entendu 43 * Bip * dans ma journée type de français moyen soit

43 x 5 = 215 * Bip * sur une semaine de 5 jours ouvrés soit

215 x 47 = 10105 * Bip * pour une année.

Chacun de c'est * Bip * me donne soit une information soit un ordre auquel j’obéis.

Cet état de fait est la conséquence de l'omniprésence de l’électronique dans nos vies.

"Les choses qu'on possède finissent par nous posséder."

Tyler Durden dans Fight club

La machine ordonne et j’exécute elle me donne l'impératif et je suis, elle ordonne de manière si oppressante que je la désactive parfois pour avoir la paix. Son dictat cadence ma vie, mes faits et gestes, le tout de manière insidieuse sous couvert d'être utile voir indispensable. Orwell avait un point de vue très clair sur la question et une approche intéressante :

Une bonne part de ce que nous appelons plaisir n’est rien d’autre qu’un effort pour détruire la conscience. Si l’on commençait par demander : Qu’est-ce que l’homme ? Quels sont ses besoins ? Comment peut-il le mieux s’exprimer ? on s’apercevrait que le fait de pouvoir éviter le travail et vivre toute sa vie à la lumière électrique et au son de la musique en boîte n’est pas une raison suffisante pour le faire.
L’homme a besoin de chaleur, de vie sociale, de loisirs, de confort et de sécurité : il a aussi besoin de solitude, de travail créatif et du sens du merveilleux. S’il en prenait conscience, il pourrait utiliser avec discernement les produits de la science et de l’industrie, en leur appliquant à tous le même critère : cela me rend-il plus humain ou moins humain ?
Il comprendrait alors que le bonheur suprême ne réside pas dans le fait de pouvoir tout à la fois et dans un même lieu se détendre, se reposer, jouer au poker, boire et faire l’amour. Et l’horreur instinctive que ressent tout individu sensible devant la mécanisation progressive de la vie ne serait pas considérée comme un simple archaïsme sentimental, mais comme une réaction pleinement justifiée.
Car l’homme ne reste humain qu’en ménageant dans sa vie une large place à la simplicité, alors que la plupart des inventions modernes – notamment le cinéma, la radio et l’avion – tendent à affaiblir sa conscience, à émousser sa curiosité et, de manière générale, à le faire régresser vers l’animalité.
Georges Orwell, « Les lieux de loisirs » – Essais, articles, lettres, tome 1 (1920-1940)
Il parle de mécanisation progressive de la vie à l'opposé de la simplicité bien plus émancipatrice.

À méditer...

 


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